Etre confiné chez soi à cause d’une pandémie, qui aurait cru connaître ça ailleurs que dans les films de science-fiction ? Je n’avais jamais vu si peu de gens en deux mois et pourtant je pense que j’ai appris bien plus sur eux en 8 semaines qu’en 14 ans de vie !
Un des points de ce confinement, le plus fort, selon moi, c’est la peur. La PEUR du virus, de se retrouver en unité Covid à l’hôpital. Comment ? On ne sait pas (?). Parce qu’une personne n’a pas respecté les consignes de sécurité ou n’a pas bien porté son masque, ou bien a osé prendre l’air ? Nous en arrivons à avoir peur de l’autre, peur pour l’autre, pour les gens que nous aimons. Du coup, nous laissons des personnes âgées seules pendant huit semaines pour « sauver leurs vies » … mais quelle vie dans ces conditions ?
Je pense que nous sommes dans une société qui nourrit la peur et cela depuis longtemps.
Dans ma chronique précédente, j’évoquais les différentes dissertations que me demandaient certains enseignants à propos de mon futur idéal. Est-ce que ceci, par exemple, n’est pas une façon de faire peur, par la pression ? Déjà à 14 ans. Est-ce que réouvrir tous les magasins le même jour, en parlant de deuxième vague de l’épidémie ça ne fait pas peur ? Je trouve que oui. Entendre parler de tester les gens pour savoir qui est contaminé ou non, puis d’entendre qu’on va tracer ces mêmes gens, ça vous inquiète ? Moi oui. Pouvoir aller dans les magasins mais ne pas pouvoir voir ses amis et sa famille… ça fait peur non ?
Moi, à mon niveau, je me suis posé la question de comment j’ai vécu le confinement et ce que j’ai pu en retirer.
Au début, ça a été très compliqué parce que je n’ai plus pu aller voir mon cheval ni pratiquer ma passion (pendant 3 semaines) mais aussi parce que je me suis sentie privée de MA liberté, celle de choisir à quoi allait ressembler mes journées, liberté de m’exprimer (plus de contact direct avec mes amis), liberté d’aller n’importe où ou nulle part. J’ai ressenti très fort que l’on m’avait retiré le droit de choisir. C’était très compliqué à vivre.
J’ai été triste et déprimée avant de comprendre que ressasser des sentiments négatifs ne changerait rien à la situation. Je me suis alors demandé comment « m’adapter ». J’ai rédigé un cahier de confinement qui m’a permis de comprendre que j’étais déprimée et pourquoi. J’ai pris conscience que la liberté qu’on me retirait était une liberté tournée vers l’extérieur mais qu’il existait une liberté intérieure dont personne ne pourrait me priver !
J’ai exploré cette partie de moi. Concrètement, cela s’est fait dans la créativité. J’ai conçu des programmes de séance de travail à pied avec mon cheval, j’ai réalisé des sacs en tissu avec de vieux vêtements, j’ai peint et dessiné librement ce qui me venait en tête, j’ai réalisé des montages photos, etc. Je me suis découverte autrement.
Je recevais du travail scolaire et je me suis rendu compte que j’aimais bien organiser mon travail par semaine comme j’en avais envie.
J’ai été contrariée d’apprendre que les épreuves externes, pour moi le CE1D, n’auraient pas lieu. Contrariée par l’épreuve en elle-même, mais aussi parce que jusque-là, les enseignants n’avaient que ce mot à la bouche, le CE1D… et d’un coup toute la pression mise en classe, n’avait plus de raison d’être. Étant fort exigeante avec moi-même, je gère mal cette pression, du coup cela devenait injuste pour moi.
Mes parents m’ont laissé le choix de retourner à l’école. Comme je ne devais y aller que 4h par semaine jusque fin juin et que mes points sont bons, j’ai décidé de ne pas y retourner. Je n’avais pas envie de porter un masque pendant plusieurs heures, ni que l’on prenne ma température le matin en arrivant dans le bâtiment, ni d’être dans un autre groupe que celui dans lequel se trouve mon amie (répartition des groupes par ordre alphabétique je suis C, elle est V).
Le confinement m’a permis de réfléchir, d’apprendre à mieux me connaitre, de prendre le temps de faire des choses que je ne fais pas habituellement, d’apprendre à « prendre le temps » et de faire les choses correctement. Il m’a rappelé que nous avons une liberté intérieure qui nous permet de faire nos propres choix ; il m’a fait prendre conscience que j’ai besoin des autres pour être pleinement bien dans ma vie…
Abigaïl Coster, chronique d’une ado ordinaire COJ#25