Afin de rester en contact avec les collègues, la famille ou les amis, l’utilisation d’outils informatiques a explosé durant la période de confinement. Certaines personnes, autrefois réfractaires, se sont lancées dans le grand bain technologique. Plusieurs observateurs y voient une révolution propice à l’avènement d’un grand tout numérique…
S’agit-il d’une mode, d’un engouement passager, ou au contraire d’un phénomène majeur qui va modifier les grandes lignes du fonctionnement humain ? Ce questionnement se manifeste à chaque innovation technologique.
Durant le confinement, pas mal de gens ont pu découvrir que les applications de visioconférence n’étaient « pas si mal que ça » pour entretenir le lien, et même continuer à faire des choses que l’on faisait avant, mais chez soi. Il est possible de partager de discuter en groupe ou encore de se réunir pour prendre des décisions professionnelles, même confinés.
Avec le recul, c’est même assez bluffant de se dire qu’il a fallu cela pour que des entreprises réalisent que passer sa journée dans les embouteillages pour dire trois phrases à une réunion constituait une réelle perte de ressources lorsqu’il suffisait de brancher une webcam et un micro pour obtenir le même résultat !
Il y a aussi tous ces petits gadgets pratiques et/ou comiques, qui font que ces meetings ne sont pas non plus totalement identiques à ceux d’autrefois, comme les émojis ou les filtres visuels, entre autres.
Il y a donc certainement des choses que l’on pouvait faire avant, en présentiel, que l’on peut faire également, voire plus efficacement, à distance. Pourquoi faire des centaines de kilomètres pour échanger des informations de manière frontale, quand on peut se contenter d’un appel ? C’est une économie d’énergie. De même, il y a certaines « libertés » que l’on ne pouvait pas avoir en présentiel que l’on peut désormais prendre à distance, en vidéoconférence, comme chater pendant les réunions (plus discret que les bavardages) ou encore, couper le son et/ou l’image à certains moments. En parallèle, il y a des choses que l’on ne peut pas faire (aussi bien) à distance qu’en présentiel, qu’elles demandent du contact physique ou non (par exemple, observer les postures des interlocuteurs, se mettre en mouvement, etc.).
J’apprécie l’idée que ce n’est pas parce que c’est numérique que c’est virtuel. Ces réunions de travail, ces apéros à distance, ces échanges avec nos proches sont bien réels. N’est-ce pas ? En revanche, chacun a pu l’expérimenter : cela n’est pas identique à ce qui se passe dans la rencontre physique des corps et des esprits. Car, danser devant sa caméra, trinquer devant son écran, dresser l’ordre du jour de sa réunion face à son clavier, c’est bien, et en même temps, ce n’est pas la même chose. Cela manque de… chair.
Le confinement forcé du à la Covid-19 nous a propulsé dans la vidéoconférence. Certains ont cru à un changement radical des pratiques, des contacts, du travail, des mœurs, de la société. Cet « avènement » particulier de la vidéoconférence ne va donc pas tout changer. Souvenez-vous de l’application Pokémon Go qui avait défrayé la chronique il y a quelques années, avant de tomber quasiment dans l’oubli. Qu’est-ce qui fait que tous ces jeunes et adultes sortaient dans les parcs pour collecter des monstres imaginaires ? L’innovation technologique, certainement. Et puis, c’était l’été, c’était les vacances. Le bon contexte ?
De plus, dans le domaine du travail, on le sait : les formations (« e-learning ») et autres outils à distance existaient bien avant leur popularisation actuelle, propulsés par le contexte sanitaire, sans pour autant trouver un terreau fertile. Autrement dit : ces technologies nous dépannent bien, faute de mieux, mais elles ne sont pas amenées à remplacer les autres types d’interactions.
Alors, tout va-t-il redevenir « comme avant » le (dé)confinement et la pandémie planétaire ? Pas tout à fait. Lorsque nous découvrons un nouveau fonctionnement, il nous offre une opportunité de nous décentrer de notre fonctionnement habituel. C’est une porte ouverte à la réflexivité.
Cette adaptation forcée a pu contribuer à nous faire prendre conscience qu’un changement était à la fois possible et profitable. Dès lors, la question est moins « la technologie va-t-elle remplacer l’humain ? » voire le « présentiel » que « dans quelle(s) direction(s) les êtres humains peuvent-ils se réapproprier la technologie ? ».
Pour cette rentrée, le « saut numérique » est quasiment inévitable pour les écoles et de nombreuses institutions. Ne sautons pas n’importe comment !
Julien Lecomte, chronique des médias (sociaux)